Qu’en est-il du cadre juridique relatif au port du voile sur le lieu de travail ? Pour répondre à cette question, nous nous sommes adressés à l’organisation BOEH (Baas Over Eigen Hoofd), qui lutte activement depuis 2007 contre l’interdiction des signes religieux dans l’enseignement et sur le lieu de travail. Une conversation avec Arthemis Snijders, activiste au BOEH, nous permet de mieux comprendre ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas, et comment les employeurs gèrent cette question aujourd’hui.
« Le foulard n’est pas tant interdit par une loi », précise immédiatement M. Snijders. Les interdictions sont formulées comme une interdiction de tous les signes religieux et philosophiques, par exemple le turban pour les sikhs, la croix pour les chrétiens et la calotte pour les juifs. Toutefois, dans la pratique, les femmes qui portent le foulard sont particulièrement touchées ».
C’est pourquoi le port du foulard est interdit dans de nombreux emplois gouvernementaux en contact avec la clientèle.
La raison sous-jacente de cette interdiction ? Selon M. Snijders, elle diffère en fonction de la nature de l’employeur. Les gouvernements s’appuient sur la séparation de l’Église et de l’État et sur le principe dit de neutralité ; on ne peut pas savoir quelle est la religion d’une personne, c’est pourquoi le port du foulard est interdit dans de nombreux postes gouvernementaux en contact avec la clientèle.
La ville d’Anvers a été la première à interdire le port du voile à son personnel en contact avec le public en 2007. Plusieurs villes ont suivi cet exemple. Gand également, mais cette interdiction a été révoquée par la suite. Le gouvernement flamand laisse la décision d’interdiction aux chefs de service. La déclaration du gouvernement flamand envisage une interdiction générale pour tous les services publics flamands, mais cela ne semble pas réalisable. Une interdiction générale constituerait une violation de la liberté de religion. Mais bien sûr, le dernier mot n’a pas encore été dit à ce sujet ».
La crainte de la réaction des clients ou d’autres parties prenantes est déjà citée dans ces moments-là.
Inclusified (la société de conseil fondée par Hanan Challouki, également à l’origine de Hijabis at Work) nous apprend que les entreprises peuvent avoir plusieurs raisons de ne pas autoriser les signes religieux sur le lieu de travail. La crainte de la réaction des clients ou d’autres parties prenantes est parfois citée dans de tels cas. Ou encore « nous ne voulons offenser personne ». Mais ces raisons sont fondées sur des préjugés à l’égard des femmes portant le foulard. La sécurité est également parfois invoquée dans les entreprises de l’industrie chimique, par exemple, mais elle peut aussi servir d’excuse pour éviter de dire que l’on ne veut tout simplement pas le faire », a déclaré Hanan Challouki.
Dans le secteur privé, l’interdiction doit être inscrite dans le règlement du travail, souligne M. Snijders. Une entreprise doit faire figurer cette interdiction dans son règlement. Elle ne peut pas dire après coup ou lors d’une demande d’emploi que c’est interdit si ce n’est pas dans le règlement. Nous avons constaté qu’après l’interdiction des autorités, davantage d’entreprises ont été incitées à introduire elles-mêmes une interdiction.
L’affaire Achbita est l’une des plus connues : une femme musulmane portant un foulard et travaillant pour G4S a été licenciée et a saisi la justice pour discrimination.
Cela a également conduit à des poursuites judiciaires dans certaines entreprises, telles que G4S et la STIB. Snijders en explique les conséquences. L’affaire Achbita est l’une des plus connues : une femme musulmane portant un foulard qui travaillait pour G4S a été licenciée et a saisi la justice pour discrimination. Malheureusement, tous les tribunaux, le tribunal du travail d’Anvers (2009), la Cour de justice de l’UE (2017) et le tribunal du travail de Gand (2020) ont jugé qu’il n’y avait pas de discrimination. La demande de neutralité a été légitimée, mais le licenciement était une mesure trop lourde de conséquences.
Contrairement à l’affaire précédente, nous constatons que le tribunal du travail de Bruxelles a rendu une décision positive en 2021 concernant une plainte contre la société de transport STIB. L’entreprise avait refusé à deux reprises la candidature d’une employée portant le foulard à un poste en intérieur. La Cour a estimé que cette forme de neutralité exclusive ne garantissait pas un meilleur traitement des voyageurs. Selon le tribunal du travail, il s’agissait d’une discrimination directe fondée sur les convictions religieuses et d’une discrimination indirecte fondée sur le sexe.
Alors, y a-t-il une si grande différence entre les contextes belge et néerlandais ?
Lors du lancement de Hijabis at Work, de nombreuses réactions ont été enregistrées aux Pays-Bas de la part de personnes qui ne comprenaient pas pourquoi le foulard pouvait poser problème sur le lieu de travail. Y a-t-il donc une si grande différence entre les contextes belge et néerlandais ? Dans l’ensemble, le port du foulard sur le lieu de travail est moins problématique aux Pays-Bas », explique M. Snijders. Le port du foulard est autorisé dans différents emplois, sauf dans la police. Récemment, un débat a également eu lieu sur l’interdiction dans les BOA (Extraordinary Investigating Officers : une extension de la police avec moins de pouvoirs). Toutefois, la décision sera prise au niveau municipal. Dans ces positions, la neutralité du gouvernement a servi d’explication à l’interdiction du foulard… Néanmoins, ces dernières années, la discrimination à l’égard des femmes musulmanes sur le marché du travail s’est accrue lors de la recherche de stages et de candidatures à des emplois.
Et si nous ne regardions pas à côté de notre pays, mais au-dessus ? Qu’en est-il au niveau européen ? M. Snijders se réfère à un arrêt de la Cour européenne de 2017. Cet arrêt de la Cour européenne stipulait que les employeurs avaient le droit d’interdire les expressions religieuses visibles sur le lieu de travail. En 2021, toutefois, la Cour a défini des exigences supplémentaires. Une entreprise peut adopter une politique de neutralité, à condition qu’elle soit sérieusement étayée par un objectif légitime. La neutralité ne peut être utilisée à mauvais escient pour restreindre la liberté de religion. Cela signifie qu’il incombe à l’employeur de prouver qu’il serait réellement préjudiciable pour une entreprise d’embaucher une employée portant un foulard.
Ainsi, la liberté de religion fait l’objet d’un cadre en Belgique et en Europe qui devrait également protéger les femmes qui portent le foulard. La Convention européenne des droits de l’homme stipule que vous devez avoir la liberté d’exprimer vos croyances ou votre religion. Il s’agit donc d’un droit de l’homme. L’affaire de la STIB montre que l’interdiction du foulard n’est pas seulement une discrimination fondée sur la religion, mais aussi sur le sexe », a expliqué Mme Snijders.
Auparavant, ces femmes pouvaient s’adresser à l’UNIA, mais il existe désormais l’Institut flamand des droits de l’homme (VMRI). C’est là que vous pouvez déposer une plainte et que l’on tentera une médiation. En cas d’échec, la plainte peut être transmise à la salle des litiges, qui décidera s’il y a eu discrimination ».
Selon M. Snijders, que peuvent donc faire les femmes portant le foulard pour exercer ces droits ? Et s’il y a quand même une discrimination ? Auparavant, ces femmes pouvaient s’adresser à l’UNIA, mais il existe désormais l’Institut flamand des droits de l’homme (VMRI). Si cela ne donne rien, la plainte peut être transmise à la chambre des litiges, qui décide s’il y a discrimination ou non. Il ne s’agit pas d’une décision contraignante et vous pouvez toujours intenter une action en justice si vous n’êtes pas d’accord avec la commission d’arbitrage. Vous pouvez intenter une action en justice au niveau belge, mais aussi, en fin de compte, au niveau européen. Contrairement à UNIA, il se peut que l’IGRVM ne soutienne pas ces actions en justice.
L’interdiction du foulard est toujours discriminatoire.
Outre le cadre juridique, il s’agit bien sûr aussi de créer un environnement de travail inclusif pour les femmes qui veulent simplement faire leur travail et être elles-mêmes dans ce processus. M. Snijders souligne qu’une interdiction du foulard est toujours discriminatoire et n’a donc pas sa place dans une entreprise qui veut se présenter comme inclusive.
Une interdiction du foulard (interdiction des signes religieux) est toujours discriminatoire. Une entreprise qui autoriserait le port du foulard dans ses locaux dirait à ses employés : « Nous préférerions ne pas vous voir ». Ce n’est pas une acceptation totale et cela ne crée pas un environnement de travail agréable et inclusif ».
Il existe également des organisations et des entreprises qui autorisent le port du foulard, mais les femmes qui portent le foulard sont encore confrontées à beaucoup de racisme et d’islamophobie sur le lieu de travail. Les employeurs ne doivent pas se contenter d’autoriser le port du foulard, ils doivent aussi veiller activement à ce que l’environnement de travail soit inclusif et strict en matière de discrimination ».
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